Mondo Cane est un documentaire de 1962. Il est dirigé par Paolo Cavara, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi.
Film ou documentaire?
L'appellation documentaire est contestée pour ce film. A' juste titre. En effet ce n'est pas un documentaire à proprement parler, mais plutôt ce qu'on appellerait aujourd'hui un film documentaire ou un docu-fiction. C'est-à-dire que sont mélangés dans le film des scènes réelles et des scènes montées. Il n'y a pas un devoir déontologique de montrer les faits exactement comme ils se passent, ni de rigueur scientifique.
D'ailleurs le film ne prétend pas être un documentaire au sens strict du terme. Les premières minutes du film, complètement montée et mise en scène sont là pour le souligner, en particulier la scène de la chasse à l'homme aux USA et dans les îles vierges, elle semble dire: "ce que vous allez voir par la suite n'est pas une tentative de montrer la réalité telle qu'elle est, mais une tentative d'expliquer une réalité que je perçois."
Mondo Cane (Monde de chien), tente de faire un parallèle entre les hommes. Ce film fait des liens entre les italiens et les aborigènes d'Australie, entre les américains et les habitants de la nouvelle guinée, entre les allemands et les pécheurs polynésiens. Des liens culturels, comportementaux, physique, psychique, spirituels.
En outre, comme pour souligner l'aspect filmographique de Mondo Cane, la qualité de la photographie est exceptionnelle, les images sont belles, les plans travaillés, les mises en scènes évocatrice.
Un documentaire voyeuriste?
Ce film ne laisse pas indifférents. En général les avis sont très tranchés sur son sujet. Certains l'acclament comme un film d'une grande poésie et d'une grande puissance évocatrice, d'autres y voient ce qu'il y a de pire dans les documentaires chocs qui ont commencé à devenir populaire à l'époque, le racisme, la complaisance, la supériorité de la civilisation occidentale, le voyeurisme.
On y voit des taureaux se faire égorger dans le cadre de sacrifices, des requins se faire empoisonner gratuitement par les hommes à coup d'oursin, des hommes malades en train de mourir, des hommes se lacérer, s'automutiler etc. Certes chacun peut se sentir mal à l'aise face à ces images, mais comment peut-on décrire le monde qui nous entoure en le bâillonnant? En censurant les aspects les plus crus? Comment faire comprendre la barbarie que peut être un sacrifice animal si l'on ne voit pas l'animal se vidant de son sang la gorge trancher? Comment peut-on donner un avis sur des traditions culturelles sans en voir les aspects les plus violents? Comment juger sans voir?
Jacopetti prend donc le parti de montrer les excès des Hommes dans leurs intégralités. Seulement ainsi nous pouvons comprendre le message qu'il veux nous envoyer, et la réalité qu'il veut nous montrer, celle la plus sombre de l'humanité.
Un documentaire raciste?
En ce qui me concerne, j'ai regardé le film sans lire les critiques au préalable, et j'ai vraiment été étonné par la suite de voir les critiques récurrentes concernant le sois disant racisme du film.
Certes, certaines expressions ne sont aujourd'hui plus utilisées, mais il faut garder à l'esprit que le film a été tourné en 1962 à l'époque ou l'Angleterre et la France avaient encore des colonies. Le langage ne peut donc pas être mis en cause, même si parfois il peut sembler très limites pour nos oreilles de jeunes gens du XXI siècles.
Ensuite, en ce qui concerne les critiques de Jacopetti sur les sociétés dites "primitives", je ne vois pas en quoi elles sont plus racistes que les critiques du même Jacopetti envers les sociétés américaines ou européennes. Par ailleurs, une des scènes du film les plus dérangeantes concerne une tradition italienne.
Non, ce film documentaire n'est pas raciste. Ce qui peut choquer, c'est la différence d'approche avec les documentaires que nous voyons aujourd'hui, où la société occidentale est toujours perçue comme une société hypertrophié et malade alors que à travers les sociétés tribales les documentaires politiquement corrects nous vendent en quelque sorte le mythe de la société primitive, originale et pure, et qui est souvent à l'agonie et contaminé par la société de ceux qui sont en face de leurs téléviseurs. Une vision parfaite pour nous les riches en mal d'écologie et fana de Arte (tiens, c'est moi). Mais la réalité est bien plus complexe, et le plus grand mérite de Jacopetti est de dénoncer nos mauvais penchants autant que ceux des peuples primitifs. En ce sens, et pour la première fois dans ce film, les hommes sont traités à la même enseigne, tous égaux. Tous des chiens, mais tous égaux.
Cette performance vaut à elle seule de regarder le film.
Film disponible en plusieurs partie sur youtube (Sous titre Anglais):